Le corps et l’esprit

Quelques nouvelles après un an et demi de silence. La première chose à dire est que niveau santé tout va bien. Je continue à effectuer mes examens de contrôle tous les six mois, accompagnés d’un rendez-vous avec mon urologue en alternance avec mon oncologue. Le risque de récidive, déjà très faible, ne cesse de décroître.

A la fin du précédent article, daté du 28 août 2017, je concluais en disant que tout allait bien. C’était le cas, mais peu de temps après tout a commencé a changer dans mon esprit. Du moment où j’ai appris le diagnostic de mon cancer, une année folle est passée. Pour rappel, l’opération est arrivée très vite, s’est très bien passée, de même que la chimio adjuvante. Suite à cette dernière j’ai pris un congé de quelques semaines pour me reposer, pendant lequel ma compagne et moi avons visité et acheté une maison. S’en sont suivis la vente de notre appartement, la concrétisation de l’achat, l’organisation et la réalisation des travaux, et même le changement de notre voiture. Moins d’un an après le diagnostic et après tout cela, nous étions dans notre nouvelle maison. Le soufflet est enfin retombé, et tout est parti en vrille.

Sans m’en apercevoir, mes envies ont changé. L’envie de sortir, de rencontrer de nouvelles personnes, de vivre différemment. Je ne m’attarderai pas sur les détails, par pudeur et peut-être par honte, mais j’ai lentement dérivé vers autre chose, m’éloignant de ma vie et de mon couple. Je me sentais en apnée et j’avais besoin de respirer. Au même moment ma compagne est tombé enceinte d’un deuxième enfant. J’ai essayé de me recentrer, de me faire aider par une psychologue, mais il était trop tard. La dérive a continué, causant de grandes souffrances dont je culpabiliserai peut-être toute ma vie.

Notre deuxième fils est né en juin 2018, mais la dégradation était trop avancée, et le couple s’est officiellement brisé au mois d’octobre.

Ici peu importe les détails, puisqu’il s’agit de parler du cancer. Ce que je souhaite surtout transmettre est l’importance du suivi et du recul à prendre pendant la maladie, et même après. Encore plus dans le cas du cancer du testicule, où tout va très vite et se passe généralement très bien. Trop bien peut-être, même si évidemment on ne peut pas se plaindre que ce cancer se traite aujourd’hui de la meilleure des façons, et que tous les malades ne connaissent pas cette chance. Le fait que tout se soit réglé en 10 jours, entre le diagnostic et l’opération me mettant quasiment définitivement à l’abri de toute récidive, n’a pas incité à la réflexion ou au recul sur ce qui s’était passé. Il en a résulté une envie de vivre plus forte que jamais et nous avons donc avancé à fond, sans réfléchir, sans prendre le temps de s’arrêter quelques temps pour faire le point et réaliser ce qui s’était réellement passé. La pression s’est accumulée durant un an, jusqu’à l’explosion irréversible. Le diable était sorti de sa boîte, impossible de l’y remettre. S’est peut-être greffée là-dessus la « fameuse crise de la quarantaine » en approche, puisque j’avais 36 ans au moment de la maladie, 37 quand je suis partie en vrille. Ma compagne et moi aurions peut-être dû partir en vacances après la maladie et avant de faire quoi que ce soit. Nous aurions dû sans doute parler de nos ressentis respectifs. J’aurais dû voir un psychologue pour faire le point. Tout cela est facile à dire avec le recul, et il ne sert à rien de regretter. À l’époque il était impossible de voir arriver le violent retour de bâton qui allait bouleverser nos vies.

Je ne sais pas si quelqu’un lira cela, mais si vous êtes arrivé ici suite à la découverte ou un soupçon de cancer, je ne peux que vous conseiller de vous faire aider ou soutenir psychologiquement, à plus forte raison encore si celui-ci se traite bien et que tout se déroule très vite. C’est un peu le paradoxe de cette expérience : c’est parce que tout s’est bien passé au niveau physique que je n’ai pas pris le temps de gérer le mental. Je n’en ressentais pas le besoin, tout bêtement. Pourtant mon urologue m’avait indiqué que je pouvais consulter des professionnels au sein de l’hôpital en cas de besoin.

En conclusion, aujourd’hui mes deux enfants vont bien. Mon ex-compagne semble s’être remise de cette douloureuse expérience, mais nous avons toujours été d’accord pour mettre les enfants au centre de nos priorités et c’est l’essentiel. Je continue à consulter ma psychologue chaque semaine et j’avance du mieux possible, avec le bagage qui est le mien.

Mieux vaux prévenir que guérir, comme on dit, mais c’est aussi valable sur le plan psychologique : n’attendez pas que ça aille mal et allez parler de votre expérience le plus tôt possible, peut-être dès le diagnostic… A plus forte raison si tout se passe très bien pour vous. Un cancer n’est pas anodin et même s’il se traite très bien, il aura un impact sur votre esprit.

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Un an

Presque un an que je n’ai rien consigné ici. Par manque de temps, mais surtout par paresse et par égoïsme. Sans aucun doute. J’ai oublié que certains atterrissent sur ce blog en cherchant des informations, des retours d’expérience détaillés, des raisons de ne pas se laisser envahir par l’angoisse… tout comme je l’ai fait moi-même.  Il est temps de rectifier le tir et de raconter ce qui s’est passé pendant ces mois.

Mon récit s’arrêtait quelques jours avant de reprendre le travail, 10 jours après l’intervention. Je reprends donc à ce moment précis…

Le 28 septembre : je me rends à mon rendez-vous chez l’urologue. Il regarde la cicatrice, qui évolue très bien. Elle sera encore ferme pendant quelques mois, le temps que les fils se résorbent. Il me rappelle une fois de plus – et s’il n’y avait qu’un message à retenir en lisant tout ça, celui qu’il faudrait propager, marteler, encore et encore, ce serait celui-là – que j’ai très bien fait de réagir rapidement quand j’ai eu des doutes. Je n’ai plus de tumeur, rien au scanner, je n’ai donc plus de cancer. Plusieurs options s’offrent maintenant à moi. La première : on laisser couler. L’urologue m’explique que pour ce cancer les deux facteurs de « mauvais pronostic » (=faisant augmenter le risque de rechute) sont, d’un côté, une taille de la tumeur supérieure à 4,5 centimètres et, de l’autre, l’invasion du rete testis. A vrai dire je ne suis plus très sûr aujourd’hui du « 4,5 centimètres », mais ma tumeur ne faisait pas beaucoup plus de 2 centimètres donc je ne suis pas concerné par ce premier facteur. Quant au rete testis, un réseau de canaux dont j’ignorais l’existence, l’urologue m’explique que le classement de son invasion comme facteur de mauvais pronostic est sujet à débat dans la communauté scientifique. Le risque de récidive dans mon cas est donc plutôt faible et si je le souhaite je peux arrêter là les traitements et me contenter d’une surveillance régulière pendant quelques années. La seconde option est une courte chimiothérapie destinée à me nettoyer l’organisme. Si je n’ai pas de métastase, des cellules cancéreuses peuvent tout de même se balader dans mon corps et choisir de prochainement se fixer pour prospérer. Cette chimiothérapie les détruirait et serait une assurance supplémentaire pour que l’avenir reste dégagé.

L’urologue me conseille vivement de faire cette chimiothérapie, en me rappelant qu’elle serait légère relativement au traitement beaucoup costaud que j’aurais à suivre en cas de rechute. En effet, il ne s’agirait que du nettoyage d’éventuelles cellules isolées, et pas de lutter contre une tumeur ou des métastases.

Rendez-vous est pris avec un oncologue, pour qu’il me présente en détail le choix qui m’est offert.

Trois semaines plus tard, le 19 octobre, je me rends chez l’oncologue, accompagné par ma compagne et notre jeune fils. Il commence par une statistique : 87% des malades ayant connu la même intervention que moi et n’ayant pas de métastase sont déclarés guéris après 5 ans (pour rappel, techniquement, je suis en rémission, et la guérison est déclarée après 5 ans sans récidive), sans aucun traitement supplémentaire. Avec une chimiothérapie adjuvante, dont le but est uniquement d’éviter une rechute, ce taux monte à 95%. Dans mon cas il ne s’agirait que d’une injection unique. Arrive ensuite le sujet délicat des effets secondaires. Sur l’échelle des mots qui font peur, chimiothérapie et cancer se tirent incontestablement la bourre et il est difficile de déterminer lequel choque le plus. Dans l’esprit de tous, le malade sous traitement est chauve, affaibli et rachitique. Un mourant, voire déjà un fantôme. Dans mon cas, difficile de prévoir ce qui m’arriverait puisque les effets secondaires et la façon dont le traitement est supporté sont propres à chacun. Grande fatigue, vomissements, aphtes, peau sèche, diarrhée, constipation… à voir. Peut-être un, ou plusieurs de ces symptômes, avec des intensités variables, peut-être tous, peut-être aucun. Impossible à prédire, si ce n’est qu’ils pourraient durer quatre ou cinq jours après l’injection. Une batterie de médicaments me serait prescrite, pour chaque effet secondaire, et un mois d’arrêt de travail serait nécessaire pour récupérer. Concernant la chute des cheveux, symptôme classique et attendu dans cette situation, il n’y a rien à craindre a priori puisqu’elle est très rare avec ce type de chimio. Comme pour le cancer, il faut comprendre qu’il y a un nombre impressionnant de chimiothérapies différentes, impliquant des combinaisons de molécules aux effets secondaires très variables. Dans mon cas, la chute des cheveux n’est pas impossible, mais reste exceptionnelle.

Ma décision était déjà prise, et ces explications détaillées ne la remettent pas en question : je ferai cette chimiothérapie.

Nous sommes mercredi, et l’oncologue me propose de commencer vendredi, dans deux jours. C’est un trop peu rapide puisqu’un arrêt de travail d’un mois nécessite un minimum d’organisation, et ma copine et moi avons quelques obligations dans les jours qui viennent. Le spécialiste indique qu’il n’y a aucune urgence, même si évidemment on ne doit pas attendre deux ou trois mois. L’injection se fera finalement le lundi 7 novembre.

Les jours suivants, j’organise mon absence au travail, et l’annonce de cette chimiothérapie me rappelle étrangement celle de mon cancer, près de deux mois plus tôt. Un rituel similaire se met en place, avec l’explication détaillée du protocole et une insistance particulière sur la relative légèreté des effets secondaires, qui seront de toute façon maîtrisés par le biais de médicaments. Cet effort de pédagogie semble payant, même si les réactions me font comprendre que j’idéalise peut-être un peu trop ce qui va se passer, notamment au niveau de la fatigue. Pourtant je répète à chaque fois scrupuleusement ce que m’ont dit mon urologue et mon oncologue, mais l’image du chauve anorexique à bout de force évoqué plus haut reste l’unique ancrée dans les esprits. Un peu comme quand on cherche à transmettre son optimisme en annonçant que le cancer qui nous touche est celui qui se traite le mieux mais qu’on nous renvoie un silence gêné, nous rappelant maladroitement que le cancer, ça tue quand même dans la majorité des cas et que cet optimisme est mal venu.

Le lundi 7 novembre, je me présente au service d’injection. Dans la salle d’attente, quelques autres personnes, seules ou en couple. Il est assez étrange de se dire que nous sommes tous là pour quelque chose de grave. Pourtant les chances sont inégales. Certains viennent sans doute en sachant que ça ne servira pas à grand chose, mais les autres dans la pièce ne le savent pas. L’occasion pour moi de réaliser une nouvelle fois ma chance.

La mort est présente, sans dire son nom, et pèse discrètement sur l’atmosphère de cette salle d’attente. Sur des présentoirs, des livrets d’informations sur les traitement de différents cancers, mais également des catalogues pour des perruques ou des couvres-chefs. Des numéros d’associations, de lignes d’information ou de soutien sont affichés sur les murs. Les quelques heures que je passerai dans ce service, je verrai jamais quelqu’un de plus jeune que moi, et je me demande ce que j’aurais pensé si cela avait été le cas. C’est ce que pensent peut-être les gens autour.

Je patiente près d’une heure avant qu’une infirmière vienne me chercher. Je commence à avoir faim, car j’ai lu qu’il valait mieux arriver à jeun. Dans la salle d’injection je suis installé dans un siège inclinable. La jeune infirmière tente de mettre la perfusion en place. Il s’agit d’une injection unique donc on ne m’a pas posé de chambre implantable. Elle cherche une veine dans mon avant-bras plutôt que dans le creux du bras. Il sera plus pratique ensuite pour moi de me déplacer avec la tige où pendouilleront les poches d’injection. Elle galère à trouver l’endroit idéal, mais se décide enfin. C’est difficile, et au final le sang ne coule pas. Elle semble embêtée, et je le suis également. Plutôt que de me triturer, elle appelle une collègue plus expérimentée. Celle-ci reprend à zéro et tente de piquer à un autre endroit de mon avant-bras. Elle me dit que j’ai les veines très dures – quelle flatteuse – et elle doit forcer pour que l’aiguille parvienne à percer. C’est très douloureux, et je ne lui cache pas. Je sens l’aiguille progresser sous ma peau, et elle cesse juste avant que cela devienne insupportable. La souffrance s’estompe lentement. L’infirmière finalise mon installation, et indique qu’après avoir attendu quelques minutes, le temps d’être sûr que l’injection se fasse correctement, on m’installera sur un lit, dans une chambre. Elle m’informe enfin qu’il faudra 1h30 pour que tout s’écoule et qu’on me libère. Ensuite elle quitte la chambre pour vaquer à une autre tâche, mais je me sens également partir. Ma vue se trouble, je lutte pour ne pas tourner de l’œil. Heureusement je suis assis, et l’infirmière revient. Je lui signale que je suis en train de tomber dans les pommes et ça ne semble pas l’étonner. Malaise vagal, me répond-elle simplement. La tension, la pénible mise en place de l’injection, le fait de n’avoir presque rien mangé depuis la veille et d’être debout depuis très tôt ce matin : rien d’étonnant en effet. Elle incline mon siège, et rapidement je reprends mes esprits. Je demeure ainsi quelques longues minutes et l’infirmière vient régulièrement voir si je vais bien. Bientôt je serai libre de me déplacer. Une cuisine est même à disposition des malades. Sur Internet j’ai (évidemment) lu de nombreuses choses concernant le régime alimentaire à adopter pour vivre au mieux le traitement. Beaucoup de préconisation existent, précises, je demande donc à l’infirmière quelle est la meilleure marche à suivre. Étonnée, elle me répond que je peux manger de tout, si cela me fait envie… Bravo Internet.

On m’amène ensuite à un lit, dans une chambre, où je peux me reposer en attendant. Rapidement je m’y ennuie, donc je fais quelques aller-retour dans les couloirs histoire de faire passer le temps plus vite. Un monsieur âgé est installé sur un lit dans la même chambre que moi, et je suis un peu gêné car je ne sais pas trop comment engager la discussion. Vous, c’est un cancer de quoi ?… Poumon, au stade terminal ?… Moi c’était à un testicule, mais tout va bien maintenant. D’ailleurs je n’étais même pas obligé de suivre cette chimio ! C’est un peu risqué.

On me retire la perfusion deux heures après me l’avoir installée. C’était plus long que prévu, mais j’ai l’impression qu’il n’y a que deux infirmières pour s’occuper de tous les patients.

Avant de partir je passe par le secrétariat pour qu’on me donne mon arrêt de travail. Ce sera finalement 5 semaines et pas 4, car avant de reprendre je dois faire une prise de sang validée par l’oncologue.

Ma copine vient me récupérer en voiture, et je ne ressens rien de spécial. Tout va bien, mais le suspense est là. Y aura-t-il des effets secondaires ? Si oui, quand ? Avec quelle intensité ? Passerai-je la prochaine nuit à dormir ou au-dessus des toilettes ?

Je passe une nuit normale, mais en me réveillant le lendemain je me sens écrasé de fatigue et sans appétit. Je ne suis pas malade, mais quelque chose est différent. Les nuits suivantes je dors assez bien, mais en journée je n’ai pas d’énergie et je me repose en regardant des films ou des séries sur mon canapé. Cet état étrange dure environs trois jours. Au final je ne connais pas d’autres effets secondaires, à part cette fatigue et le manque d’appétit. Pas de vomissements ni de nausées, mais ce sont peut-être les effets bénéfiques des antinauséeux que je dois prendre les cinq jours suivant l’injection. Et je ne perds pas un seul cheveu !

Je peux sortir prendre l’air et me promener, mais je me fatigue beaucoup plus vite que d’habitude. Moi qui aime marcher, je ne vais pas très loin sans être rapidement épuisé. C’est gênant, mais rien de plus. Ça reste un bien faible coût pour augmenter ses chances. Le seul point négatif est mon manque de patience, la nuit, quand je suis réveillé par mon fils d’un an, mais heureusement ça ne durera pas.

Au quotidien, personne finalement ne peut se douter que je suis sous chimiothérapie. Du coup je me demande combien de personnes j’ai pu déjà croiser dans la même situation que moi sans que je l’aie jamais su.

Les cinq semaines passent, et je profite grandement de ce repos.

Le mardi 6 décembre j’effectue mon bilan sanguin. Les résultats sont excellents, et l’oncologue me le confirme quand je vais le revoir, le jeudi 8. Il m’autorise donc à reprendre le travail lundi, le 12. Nous évoquons le suivi à venir et il m’explique qu’il n’y a pas vraiment de standard. Tout dépend des cas, et dans le mien il me préconise un nouveau scanner dans deux mois, vers la mi-février, et une prise de sang.

A la mi-février, mon scanner est parfait, et à la mi-mars je retourne voir mon urologue pour faire le point.

Le rendez-vous est très détendu, et la complicité avec mon urologue – qui je le rappelle est né exactement le même jour que moi – est toujours appréciable car l’échange peut se dérouler naturellement et sans détour. Il m’informe que nous allons faire un scanner et une prise de sang tous les 6 mois, pendant 5 ans. C’est assez lourd, mais pas tant que ça quand on y réfléchit un peu… Une récidive prise en charge rapidement pourra être traitée efficacement. Nous allons alterner les interlocuteurs, et mon prochain bilan sera avec l’oncologue. Le suivant sera de nouveau avec lui, etc…

Voilà, nous sommes le 28 août 2017, et j’avais écrit il y a plusieurs mois déjà le brouillon de ce qui précède.  Comme je l’expliquais en introduction de ce billet, j’ai mis du temps à finaliser, mais beaucoup de choses ont évolué dans ma vie durant ces mois. Lors de ma chimiothérapie ma copine et moi avons commencé à visiter des maisons, pour un futur achat, et nous avons eu un coup de cœur. Je passe les détails car ce n’est pas le sujet, mais cet important projet fut très chronophage et évidemment pendant ce temps je n’ai pas pensé à la maladie. D’où peut-être ma flemme de terminer ce texte pour le publier. Cette fois c’est fait, et j’espère que, comme les précédents, il pourra apporter quelques informations à des visiteurs inquiets, tombés là suite à de frénétiques recherches sur Google dans le but se rassurer.

Demain j’appelle le labo pour prendre rendez-vous pour mon scanner de suivi. Il aura lieu mi-septembre, et j’enchaînerai avec un rendez-vous chez l’oncologue pour faire le point sur les résultats.

Je compte bien ne pas attendre un an pour relater la suite mais le prochain article ne devrait se limiter qu’à quelques phrases puisqu’il n’y aura pas grand chose à dire !

Dans quelques minutes nous seront le 29 août, et ça fera donc un an exactement que le diagnostic a été prononcé par mon urologue.

Aujourd’hui, tout va très bien !

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L’opération

Il y a dix jours exactement, mardi 6, j’arrive vers 11h30 aux admissions de la clinique. On traite mon dossier rapidement (j’avais déjà fait ma pré-admission la semaine précédente), et on m’envoie à l’étage où se trouve ma chambre. Une infirmière m’y accueille, mais ma chambre n’est pas prête et j’attends quelques minutes avant de pouvoir m’y installer. On m’avait dit lors de la préadmission que je partagerai ma chambre avec quelqu’un, mais finalement je suis en chambre individuelle, ce qui me convient très bien.

Je pose mes affaires, inspecte les placards, essaye les positions que la commande de mon lit me propose, et m’installe finalement devant la télé. J’ai accepté de l’activer pour 6,50€ lors de l’admission, puisque je ne me voyais pas passer mon séjour uniquement en lisant ou en pianotant mon téléphone. Je ne regrette pas mon choix.

Une infirmière vient m’expliquer comment va se dérouler la suite. Mon opération est prévue à 15h, elle me donnera donc un décontractant vers 13h. D’ici là une autre personne va venir pour me raser le pubis et le reste.

Mon urologue passe et me demande si tout va bien. Il me rassure en me rappelant que tout va bien se passer, qu’on ne pouvait pas faire plus rapide comme prise en charge et que c’était une bonne chose etc. A dire vrai je ne m’inquiète absolument pas. J’attends cette opération depuis une semaine – et même depuis le mois d’août – et je suis ravi. En plus il s’agit de ma première intervention chirurgicale et de ma première hospitalisation. A 36 ans, ce sont de sacrées premières fois !

L’aide-soignante qui doit me raser débarque ensuite. Elle me demande d’enlever le bas, et je me retrouve sur mon lit avec seulement un t-shirt. En dessous, sur les draps, elle a déplié une espèce de bâche en plastique pour recevoir les poils et le talc, dont elle me saupoudre allègrement. N’ayant pas des rituels de rasage très évolués je ne connais pas cette pratique et ne comprends donc pas son intérêt. L’infirmière allume sa petite tondeuse électrique. Electrique, et électrisante : je sursaute dès qu’elle la pose sur le bas de mon ventre. Oui, je suis TRÈS chatouilleux et cette tonte intégrale, depuis mon nombril jusque sous mes testicules, me fait faire des bonds sur mon lit. L’aide-soignante s’excuse car elle pense me faire mal, mais je lui explique et elle sourit. Quand c’est terminé elle me donne la tenue de bloc opératoire, que dois enfiler après m’être douché. Celle-ci se compose d’une blouse, d’un slip, de chaussons et d’une charlotte.

C’est ainsi vêtu (j’attendrai le dernier moment pour la charlotte, pour des raisons évidentes de dignité) que je patiente sur mon lit, tout propre, avant l’opération. Finalement elle aura lieu plus tôt que prévu et on me donne un Xanax vers midi et demi, à prendre avec un fond d’eau. J’aurais bien envie de boire beaucoup plus, mais cela m’est interdit. Je dois être à jeun pour l’opération, du coup je n’ai rien avalé depuis hier, à part un petit café à 8h ce matin.

Je regarde la télévision en attendant que l’on vienne me chercher. J’ai l’impression que le Xanax ne me fait aucun effet, puisque je n’ai pas été tendu ou inquiet un seul instant jusque là.

Le brancardier qui m’amène au bloc est très sympathique. Il me demande si je ne suis pas trop stressé et me dit qu’il serait normal de l’être dans cette situation. Je passe un ascenseur, plusieurs portes, en regardant défiler le plafond. C’est assez étrange et je n’ose pas relever la tête pour scruter ce qui se passe autour, de peur de paraître trop curieux ou, peut-être, de dévoiler au monde la tête que j’ai avec une charlotte sur la tête. Il fait rouler mon brancard dans un coin – la salle d’attente du bloc en quelque sorte – et me salue, me laissant à côté d’un monsieur âgé dans la même position que moi. Il regarde droit devant lui et à l’air inquiet. Son anesthésiste vient lui mettre la perfusion, et une infirmière de bloc arrive ensuite pour lui demander son nom et s’il sait pour quelle opération il est là. Ces questions me paraissent stupides mais je constaterai dans quelques minutes que c’est le passage obligé, pour tout le monde, avant de passer sur le billard. J’apprends au passage que l’homme est ici pour une biopsie de la prostate. On l’emmène finalement, et il est remplacé par une femme d’une quarantaine d’années. Même procédure : anesthésiste, infirmière. Cette fois il s’agit de la pose d’une chambre implantable.

C’est enfin mon tour ! Mon anesthésiste arrive et me plante la perfusion dans la main. Ça pique un peu au début, mais ça passe vite. L’infirmière de bloc vient me voir, un masque sur la bouche. Nom, prénom, raison de ma présence : j’ai tout bon, et j’ai gagné le droit d’être amené au bloc ! Je passe des portes automatiques et me croirais presque dans un film. Tout va très vite et je sens que tout est très rôdé. L’anesthésiste me demande de tendre mon bras gauche sur le côté et de le poser. Je ne regarde pas ce qu’il fabrique, puisque de l’autre côté mon urologue vient me voir pour me demander si j’ai des questions avant qu’on commence. Je n’en ai qu’une : Vous êtes sobre ? Il me fait répéter car il pense avoir mal compris, puis me répond en souriant sous son masque qu’il boit toujours un coup avant une opération.

Black out.

Je me réveille instantanément mais je suis ailleurs. Autour de moi beaucoup de lits, et d’autres patients plus ou moins endormis. Du personnel soignant passe des uns aux autres pour s’assurer que tout va bien. Je ne me sens ni endormi, ni endolori. En pleine forme finalement. J’attends un peu en observant ce qui se passe autour de moi. Un gros type, un peu plus loin dans ma rangée, se réveille péniblement et s’agite. Il tousse et il me semble voir du sang. Je détourne la tête.

Une femme m’informe qu’on va pouvoir me ramener à ma chambre, puisque je n’ai pas de nausées.

De retour sur mon lit, je passe le reste de l’après-midi à regarder la télévision et à échanger des SMS pour rassurer mon entourage. J’ai très soif mais ne peux toujours pas boire ni manger, à cause de l’anesthésie générale. Il faut attendre pour éviter les nausées. Pourtant je me sens bien, je suis juste assoiffé ! Après quelques heures on me laisse finalement boire un petit verre d’eau, mais en plusieurs fois… Quand je vois que je n’ai aucun problème je demande l’autorisation de boire plus à une aide-soignante, et à son feu vert je m’empresse de finir le pichet.

Je ne ressens vraiment aucune douleur, ni aucun changement. Je n’ai pas encore vu à quoi ressemble mon scrotum diminué de l’une de ses occupantes, mais pour l’instant c’est sans importance. Par contre le pansement que j’aperçois au dessus de mon aine est très propre et il n’y a aucun hématome autour.

Le soir, enfin, je peux manger. Du solide, mais aussi une soupe. D’habitude je ne suis pas fan, mais là j’avalerais n’importe quoi.

Bizarrement, je me sens vraiment bien. Ça choquera peut-être, mais je me sens comme en vacances, dans un hôtel, à me détendre devant la télévision. Je ne pense plus à la maladie, je me repose, plus léger d’un testicule mais surtout d’un lourd cancer. S’il s’est déployé ailleurs on s’en occupera plus tard, mais si ça n’est pas le cas alors il est possible que toute cette affaire soit classée. J’en saurai plus suite au scanner de demain, mais la première grande étape est passée, et sans aucun problème.

Je m’endors rapidement, mais je me réveille vers 1h20. Il fait très chaud dans la chambre. J’allume la télévision et tombe sur 2001, l’odyssée de l’espace, que je n’ai pas vu depuis des années. Peut-être mon état de plénitude influence-t-il mon jugement, mais je suis fasciné par chaque scène. Il s’agit en outre d’une version en « audiodescription » pour les sourds et malentendants. Une voix de femme décrit froidement tout ce qui se passe à l’écran, ajoutant au trouble que je ressens face à la pureté irréelle de chaque scène.

Plusieurs fois une infirmière passera prendre ma température et ma tension, mais tout va bien.

Le lendemain matin je me réveille vers 7h, 7h30. Les infirmières ne savent pas si je peux manger ou si je dois être à jeun pour le scanner. C’est malheureux, car j’ai très faim. L’infirmière attend 9h pour contacter l’équipe du scanner et en savoir plus, et finalement j’ai droit à mon petit déjeuner. Joie ! On m’enlève également la perfusion plantée dans ma main depuis hier, et cette liberté de mouvement retrouvée est particulièrement jouissive. J’approche lentement de la sortie.

Le scanner est prévu pour 10h40. D’ici là je me douche, m’habille, et commence à réunir mes affaires.

Mon urologue me rend visite pour prendre de mes nouvelles. Il jette un œil à mon pansement et constate qu’aucun hématome n’est apparu. Il m’indique ensuite que nous nous reverrons à la fin du mois, pour faire le point. Nous aurons les résultats du scanner et de la biopsie, nous pourrons aviser de ce qu’il convient de faire. Simple suivi, une semaine de chimio ou plus, selon que le cancer se soit étendu ou non et dans quelle mesure. Si un traitement doit être prescrit, dans tous les cas il faudra attendre 6 semaines après l’opération pour commencer quoi que ce soit. Je lui demande pourquoi et il me répond qu’il faut attendre une cicatrisation complète pour une chimio, et que je dois me reposer. Je le remercie chaleureusement avant qu’il ne quitte la chambre. Avant de sortir il me dit de passer à son secrétariat quand je partirai pour récupérer les ordonnances de sortie.

Une jeune brancardière vient me chercher avec un fauteuil roulant pour m’amener au scanner, mais je lui dis que je peux marcher. Je ne vais pas vite et je boite, mais je préfère me déplacer par mes propres moyens, après presque 24 heures d’alitement.

Je me déshabille dans une cabine, et une jeune femme me prend en charge. Le scanner est une machine impressionnante, énorme, ronde et trouée en son centre, avec une couchette à son entrée. Je m’y installe et on me pique une perfusion dans le bras droit. L’examen se base sur l’injection d’un « produit de contraste » iodé faisant ressortir les éventuelles anomalies (les « métastases », cet autre mot qui fait très peur) sur les images produites par le scanner. Dans ce cas précis, pour un bilan d’extension, on parle de scanner TAP, pour Thorax, Abdomen et Pelvis, les trois régions à explorer.

La jeune femme me demande de tendre les bras au-dessus de ma tête, puis elle sort de la pièce. Je suis seul, en caleçon, et je n’ai pas l’air très malin dans cette position. Il ne me manque qu’une charlotte sur la tête pour que le spectacle soit total. A travers un micro, elle me dit qu’elle va commencer l’injection, et que je vais ressentir de la chaleur dans la vessie et dans la gorge. Je suis étonné par cette remarque mais j’attends sagement. En effet, je ressens une sensation bizarre de chaleur dans le bas-ventre, plutôt vers le dos. Rien dans la gorge, par contre. La couchette sur laquelle je me trouve fait quelques aller-retour à travers la machine, et une voix enregistrée me dit quand je dois inspirer et bloquer ma respiration. Tout ce manège ne dure que quelques minutes. Un infirmier vient ensuite me dire que je peux me rhabiller et partir. En sortant je demande quand les résultats seront prêts, en précisant que je sors vers 14h. On m’informe qu’ils devraient être disponibles pour cette heure. Je repartirai donc chez moi en connaissant les résultats, bons ou mauvais.

Je remonte à ma chambre pour terminer tranquillement mon séjour. L’infirmière m’indique qu’un repas m’est réservé pour midi et demi, et pour patienter je descends à la cafétéria pour prendre un coca et acheter un journal. Je m’installe en terrasse, à l’ombre, et profite du moment. Les résultats du scanner sont dans un coin de ma tête, mais je suis très satisfait de ne pas avoir à les attendre pendant plusieurs jours. Quand je quitterai cette clinique, je saurai un peu plus ce qui m’attends ensuite. Je ne tournerai pas en rond, obsédé par le fait de ne pas savoir si j’ai des métastases ou non.

Je retourne à ma chambre pour manger, et je prends mon plateau en photo pour l’envoyer à ma copine alors que nous discutons sur messagerie. Ça me fera aussi un souvenir :

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La télé ne fonctionne plus depuis 11h30, puisque j’avais payé un accès pour 24h. Du coup j’écoute la radio sur mon téléphone.

Ce festin terminé, je récupère toute mes affaires et je fais un dernier état des lieux de ma chambre, que je quitte sans regret. Sur le chemin de l’ascenseur, je passe par le bureau des personnels soignants, pour les remercier et les féliciter pour tout leur travail. Mon séjour ici a été sans accroc, du début à la fin.

Je passe par le bureau des sorties pour de la paperasse rapide, puis par le secrétariat de mon urologue pour récupérer les ordonnances de soins. Je n’ai que des antidouleurs à prendre pendant une dizaine de jours, et les soins de mon pansement à faire faire tous les deux jours par une infirmière, pendant une semaine.

Je passe par la radiologie, pour récupérer les résultats de mon scanner. La secrétaire m’indique que le compte-rendu n’est certainement pas prêt, et l’angoisse pointe le bout de son nez. C’est impossible : je ne peux partir sans savoir. Elle va vérifier auprès d’une collègue, et heureusement elle s’était trompée. Je récupère ce dossier cartonné, que je m’empresse de lire en marchant vers la sortie. A l’intérieur, juste une impression A4. Je la parcours en diagonale, essayant d’en capter les principales informations, puis je me calme à la lecture de la conclusion.

« Examen TDM TAP normal ». Je n’ai rien d’autre. Pas de ganglions suspects, pas de métastases aux poumons ni ailleurs. Techniquement, je pense pouvoir dire que je n’ai plus de cancer. Le soulagement est immense, indescriptible. Une semaine plus tôt, on m’annonçait que j’avais un cancer, et aujourd’hui le problème est réglé. Evidemment tout n’est pas terminé. Il y aura un suivi régulier pendant plusieurs années, un risque de récidive, une chimio, peut-être, pour minimiser ce risque, mais pour l’instant je peux respirer et penser à autre chose. Au pire c’est un répit, au mieux la fin de cette mésaventure, et ça me convient parfaitement. En retraversant la clinique pour en sortir et rentrer chez moi, j’ai presque du mal à le croire, d’ailleurs, tant je m’étais préparé à ce que quelque chose apparaisse au scanner.

Pendant un ou deux jours un doute plane, et je m’imagine que les résultats ne sont pas fiables. Comme si je ne voulais pas admettre que ça puisse se terminer si vite, que ce soit possible. Pour m’en convaincre je me souviens par exemple que pendant l’examen je n’ai pas ressenti dans ma gorge la chaleur décrite par l’opératrice. Peut-être que quelque chose s’est mal passé, que le produit de contraste ne s’est pas propagé correctement…

Je me ferai finalement à l’idée que tout s’est réellement bien passé, et que tout va très bien.

Depuis mon retour chez moi c’est le repos complet. Au début, quelques douleurs se sont faites sentir à mon entrejambe mais les antidouleurs sont plutôt efficaces. Je marche régulièrement, et de jours en jours mon rythme s’améliore. Je n’ai presque plus mal, mais je ne dois rien porter, ni forcer. L’infirmière passe tous les deux jours pour les soins et le changement de pansement (c’est un personnage haut en couleur que j’évoquerai peut-être dans un autre billet !). La plaie ne me fait pas vraiment mal, c’est plutôt du muscle dont je souffre quand je marche trop longtemps ou que je reste assis dans une position trop inconfortable.

Je retourne à mon travail lundi, et ça sera sans doute compliqué. De reprendre le rythme, d’une part, mais surtout de réciter un nouveau discours, quasiment toujours le même au mot près, à chaque collègue que je vais croiser. Je raconterai comment s’est passée l’opération et ma convalescence, avec toujours les mêmes expressions, les mêmes termes, les mêmes blagues placées aux mêmes endroits. Comme quand j’ai annoncé la maladie, finalement, mais c’est comme ça. En même temps mieux vaut raconter cette histoire qui se termine bien (pour l’instant…) qu’une autre, pleines de complications métastatiques ou de rebondissements dramatiques.

Même si le cancer n’est plus en moi, cet épisode de ma vie n’est pas terminé et ne le sera peut-être jamais, dans un sens. Entre la surveillance régulière, des années durant, et l’épée de Damoclès que représente le risque de récidive, je me demande, même si l’analogie est sans doute abusive, si comme pour l’alcoolisme et on ne reste pas un « cancéreux abstinent » tout sa vie…

Prochaine étape, le mercredi 28, avec mon rendez-vous chez l’urologue pour faire le point.

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Le mot qui fait peur

Lundi dernier, dès 8h45, j’appelle mon médecin pour obtenir un rendez-vous, qu’elle me fixe à 16h45.

La journée est longue, mais pas le choix.

Je lui montre les résultats de ma prise de sang et de mon échographie. Pour elle les taux des marqueurs sont normaux, puisque mon fameux 0,11 au-dessus du 0,1 n’est pas significatif. Rien n’indique donc que ce soit un cancer, d’après elle. Et rien d’après l’échographie ne le prouve non plus. Toutefois, seul un urologue pourra trancher (sans mauvais jeu de mot). Elle en contacte donc un devant moi et lui demande de me recevoir dès que possible, pour qu’enfin je sache ce qu’il en est. Il accepte de me prendre immédiatement.

Je me rends au cabinet de l’urologue, dans une clinique, et il consulte à son tour mes résultats. Il confirme que mes taux de marqueurs sont parfaitement normaux. Mes fameuses « Hormones gonadotropes chorioniques (dimère Alpha-Beta) » à 0,11 dépassent de très peu la limite mais il doit s’agir d’un faux positif. L’important reste le taux des « sous-unités beta-h.C.G libres », et puisqu’il est à 4 au lieu de 5, il n’y a rien d’inquiétant à ce niveau. L’échographie lui semble plus parlante mais il n’en dit pas plus pour le moment. Nous poursuivons l’entretien avec quelques questions, concernant ma santé en général ou mes antécédents familiaux. Enfin, nous passons à l’examen de ma pauvre gonade. Cette fois le résultat est sans appel : après toutes ses longues semaines on m’annonce officiellement que j’ai un cancer. La certitude est de 95%, selon l’urologue, mais si je fais confiance aux 95% de taux de guérison des cancers des testicules, je dois dans un souci d’honnêteté croire en ceux-là de la même manière.

L’urologue doit avoir à peu près le même âge que moi. Il est direct, précis et rassurant, exactement ce qu’il me fallait. Suite à cette annonce, il enchaîne : ça n’est pas parce que c’est un cancer qu’il faut se tirer une balle. J’apprécie son ton. Ni austère, ni hautain, juste spontané et sans ambages. Il explique que c’est celui qui se traite le mieux, avec des taux de guérison exceptionnels qui n’ont rien à voir avec tout ce qu’on peut imaginer à l’écoute du terrible mot. 95%, tous stades confondus, même métastasé etc… Tout ce que j’ai pu lire pendant un mois. Je connais son discours à l’avance et je pourrais anticiper chaque argument, pourtant c’est comme si je l’entends réellement pour la première fois. Je sais de façon certaine (je laisse tomber les 5%) de quoi il s’agit. Je ne suis plus dans le doute mais dans le concret, validé par le professionnel du sujet qui s’occupe de mon propre cas.

Il m’explique la suite : ablation dans huit jours, mardi prochain. Tout va très vite et c’est une bonne chose. Il me détaille l’opération, qui sera rapide (trente minutes environ) et sans aucune conséquence sur ma vie sexuelle ou ma virilité. On en a deux mais une seule suffit, l’autre c’est une roue de secours. Je l’écoute sans un mot, et il me répète, pour être sûr que je comprenne bien : Je ne suis pas en train de vous dire que vous aller mourir, je suis en train de vous dire que vous allez vivre !

Opération, donc, mardi. J’aurais pu sortir le soir même, mais ils me garderont mercredi matin pour enchaîner avec le scanner. Trois semaines après nous nous reverrons afin de discuter ensemble des résultats de la biopsie et du scanner. Selon le type, le stade et les éventuelles métastases nous aviserons. Simple suivi ou chimio, cette dernière étant également conseillée si aucune métastase n’est détectée, pour minimiser les probabilités de rechute. Les semaines à venir ne seront pas une partie de plaisir, mais si c’est le prix pour s’en sortir alors peu importe.

Avant l’opération je dois conserver mon sperme, et un rendez-vous au CECOS sera pris pour moi, pour la veille de l’opération.

De retour chez moi je suis en quelque sort apaisé. On vient de me diagnostiquer un cancer, mais on m’a surtout sorti du brouillard et on m’a rassuré. Tout va aller très vite, et tant mieux. Pas le temps de cogiter, on agit.

Ma copine est évidemment choquée par la confirmation, même si nous en discutions depuis mes premiers doutes. Puisque l’urologue me l’a proposé, nous irons le revoir ensemble deux jours après l’annonce.

Le lendemain, je reprends le travail après trois semaines de congés. La question de l’annonce et de sa forme s’est posée, et je choisis de réunir tous les collègues présents pour un petit speech rapide. Il me semble mieux de faire ainsi, plutôt que de passer de bureau en bureau ou d’envoyer un mail collectif. J’ai réfléchi grossièrement à la façon dont j’allais amener la chose. Le plus important est de prononcer le mot qui fait peur le plus tard possible, après les précautions d’usage. Il faut commencer par les choses rassurantes, le taux de guérison record, le risque existant mais bien moindre que pour d’autres types de la même maladie.

Personne ne s’attendait à une telle nouvelle (certes, je m’en doutais un peu) et le choc se lit dans les regards, les attitudes. Des yeux s’écarquillent, des visages pâlissent et des larmes coulent. Mes collègues sont les premiers à savoir, et je les rassure comme je le peux.

Je peaufinerai mon discours et le servirai tout au fil de la semaine, jusqu’à le connaître par cœur. Je l’adapte à l’écrit, et je copie/colle quasiment toujours le même texte dans les mails que j’envoie aux autres collègues. Je me demande souvent si en voulant les rassurer je ne cherche pas à me rassurer moi-même. Il doit y avoir de cela, mais après tout, les arguments sont solides et proviennent de statistiques réelles. Je ne pense pas me répéter le genre de mantra lénifiant dont on assomme les malades dans ce genre de situation (Il faut te battre, Tu vas t’en sortir, Le moral c’est l’essentiel etc…) Je ne jette pas la pierre à ceux encouragent les malades de la sorte, bien sûr, puisque je suis comme tout le monde et j’ai déjà fait exactement la même chose ! Que dire d’autre devant quelqu’un qui souffre d’une maladie qui nous dépasse et face à laquelle on est totalement impuissant ? De la même façon je n’oublie pas qu’il est facile dans mon cas d’être optimiste et il serait malvenu de donner quelque leçon que ce soit. Je réalise ma « chance » d’avoir ce type de cancer et pas un autre. Même si rien n’est gagné, et que les prochaines semaines (et prochains mois) ne vont pas être une partie de plaisir, je pars avec un avantage certain par rapport à d’autres, qui ont sûrement d’autres choses en tête que la création d’un petit blog pour y consigner leurs états d’âme. D’ailleurs le mien sera parfois jugé comme de très mauvais goût, sans aucun doute, et je le comprends.

Suite à mon annonce aux collègues je prends rendez-vous avec un anesthésiste, qui accepte de me voir immédiatement. L’entretien sera rapide – pas plus de cinq minutes – puisque je n’ai aucun problème particulier à mentionner. L’anesthésiste me réexplique dans le détail le timing de mon opération.

J’arriverai à 11h30 à la clinique, où l’on m’installera dans une chambre. Je devrais être à jeun (juste un café avant 10h, au pire). Là-bas j’aurai droit à un petit cachet pour me détendre, et en début d’après-midi, rendez-vous en salle d’opération. L’anesthésiste me posera la perfusion, injectera ce qu’il faut pour que je m’endorme instantanément et trente minutes après : terminé. J’émergerai des limbes en salle de réveil. Si la douleur m’indispose trop, je pourrai demander sans aucun problème de petites doses de morphine.

Son explication me convient parfaitement. Là encore c’est concis, précis et rassurant.

Après que l’information de ma maladie se soit propagée autour de moi, quelques amis ou collègues me font part de cas similaires autour d’eux. A chaque fois tout s’est très bien terminé, avec parfois même un recul de vingt ans. Je reste lucide : il y en a peut-être beaucoup plus qui ont connaissance de fins moins heureuses, mais ils ont le bon goût de les taire et je les en remercie !

Mercredi matin, je me rends avec ma copine (et notre bébé) au rendez-vous avec l’urologue. Il n’est pas évident pour elle d’entrer dans la clinique, et encore moins dans le cabinet du spécialiste. Celui-ci explique de nouveau ce que j’ai entendu deux jours plus tôt : il n’y a pas à paniquer pour l’instant, et nous avons toutes les raisons d’être optimistes. Je ne sais pas si vous réalisez, mais 95% de guérison tous stades confondus, c’est monstrueux ! En sortant, ma copine est rassurée. Pour elle comme pour moi, entendre ce discours de la bouche de l’urologue lui-même n’a absolument pas le même impact que sa version lue ou constituée à partir du net.

Les hasards de mon emploi du temps ont voulu que mes collègues aient été les premiers au courant. C’est ensuite au tour de mes amis. Je ne contacte pas tout mon répertoire. J’informe quelques uns des plus proches, qui feront passer aux autres s’ils le souhaitent. C’est à chaque fois le même choc, rapidement dissipé grâce aux explications détaillées dont je me veux maintenant le modeste spécialiste (par rapport à mes interlocuteurs, pas plus !). Je réalise que ce cancer n’est pas connu du tout, et je me demande pourquoi un dépistage régulier n’est pas organisé comme pour le cancer du sein, puisqu’il est avéré que le timing est un des principaux critères pour arriver à une guérison.

Il semble que d’autres pays se soient emparés du sujet, avec par exemple la campagne d’information suivante, en provenance du Canada :

Prochaines étapes : rendez-vous au CECOS lundi, puis orchidectomie, mardi.

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Diagnostic

Le mardi 2 août 2016, je vais consulter mon médecin à propos d’un durcissement de mon testicule gauche, que je constate depuis deux semaines environs. Après un examen rapide, elle préconise une prise de sang et une échographie. Elle me dit de ne pas m’inquiéter, qu’il peut s’agir tout simplement d’un kyste ou d’un canal obstrué. Malgré tout elle demande un dosage des marqueurs cancéreux afin d’éliminer cette possibilité. Il y a peu de chance qu’on ait affaire à cela, certes, mais j’y ai évidemment pensé avant d’aller la voir. Je me suis même renseigné en allant glaner des informations sur le web. J’y ai appris que le cancer du testicule est très rare, et que le pic de risque se situe entre 15 et 35 ans. J’échappe de peu à cette fourchette, et quand bien même ça ne suffirait pas, je suis également rassuré en lisant systématiquement que c’est un des cancers qui se soigne le mieux, avec un taux de guérison qui dépasse les 95% tous stades confondus. Quasiment du 100%, même, dans le cas d’un diagnostic précoce. Ce que m’a d’ailleurs confirmé mon médecin. Et même si ça doit être un cancer, c’est celui-là qu’il faut avoir ! 

En sortant de son cabinet je fonce faire la prise de sang. Je pars en vacances le samedi suivant et j’espère bien avoir les résultats avant, pour partir l’esprit tranquille. Les dosages des marqueurs aFP et HCG ont été demandés, en plus de quelques taux comme la LH ou la testostérone. La jeune femme qui m’accueille au laboratoire m’indique que le dosage des HCG sera fait sur Paris et qu’il faudrait un délai de 3 jours environs pour les avoir. Je lui explique mon planning et elle me précise que si ça n’est pas prêt pour samedi, alors je pourrais tout de même passer récupérer les résultats partiels disponibles.

Je tente ensuite d’avoir un rendez-vous pour une échographie. Parmi les quelques centres que je contacte, la première date disponible est le 22 août. Je trouve dingue qu’il faille attendre tant de temps, mais je me souviens que c’était déjà le cas pour les échographies de ma copine lors de sa grossesse.

Entre le mardi et le vendredi : mon imagination s’emballe, très rapidement et sur une pente assez désagréable. Je consulte tout ce que je peux trouver sur le cancer du testicule, ses symptômes, ses marqueurs. Je tâte régulièrement ma pauvre roubignole pour surveiller les éventuelles évolutions. Je suis sur des montagnes russes, passant d’un pessimisme radical à un optimisme constructif ou une confortable relativisation.

Le vendredi, toujours pas de nouvelles des résultats de la prise de sang. Je ne tiens plus. Je vais récupérer les résultats déjà disponibles. Les dosages hormonaux sont normaux, ainsi que le marqueur aFP. Il ne manque que le marqueur HCG, dont les résultats parisiens ne sont pas encore redescendus. J’en suis donc toujours au même point, et le suspense est insoutenable. Si j’ai le temps de devenir célèbre mon biopic sera bien plus palpitant que beaucoup d’autres.

Je téléphone à mon médecin pour lui faire part de mes avancées, comme elle me l’avait demandé. Elle me dit que de toute façon c’est l’échographie qui compte. Je lui demande si je dois annuler mes deux semaines de vacances – nous sommes la veille de mon départ – mais elle semble trouver cela aberrant. J’attendrai le 22 août et l’échographie. De son côté elle m’informe qu’elle sera aussi en vacances, jusqu’au lundi 29.

Le samedi matin, nous partons en vacances. Evidemment je n’ai que mon testicule en tête – si j’ose dire. Sur mon téléphone je consulte frénétiquement sites et forums afin d’essayer d’interpréter mes résultats partiels. Je comprends vite qu’ils ne veulent rien dire sans le dosage manquant, et même avec celui-ci, bon ou mauvais, seule l’échographie pourrait en dire plus sur mon état. Il n’existe pas qu’un seul type cancer (pour le testicule ou quelque soit l’organe touché) mais plusieurs, plus ou moins agressifs, aux pronostics divers et produisant plus ou moins de marqueurs. Pire, une prise de sang avec des taux normaux ne signifie pas l’absence de cancer, tout comme leur hausse n’implique pas systématiquement l’inverse. En théorie, même si je disposais de tous mes résultats sanguins je devrais attendre l’échographie pour en savoir plus. Ça ne m’empêche pas d’appeler dès le lundi pour qu’on me les communique. On me passe une biologiste, qui m’informe des deux résultats. Oui, deux, car les marqueurs HCG sont de deux types, aux libellés un peu obscurs : « Hormone gonadotrope chorionique (dimère Alpha-Beta) » et « sous-unités beta-h.C.G libres ». Le premier dosage est correct, mais le deuxième est à 0,11 alors qu’un taux normal est inférieur à 0,1. La vache… 0,01 au-dessus, sans que je n’aie aucune idée de ce que ça peut vouloir dire. D’un point de vue purement mathématique ça n’est pas grand chose, un centième. Je dépasse la limite d’un poil, un peu comme si je passais un petit doigt de pied derrière la ligne jaune, mais il s’agit d’un dosage et au téléphone je n’ai pas vraiment compris l’unité.

Qu’en conclure ? C’est grave, ce 0,01, ou pas ?

Les deux semaines de vacances avant l’échographie vont être très longues. Je me dis que si c’est un cancer, alors il doit être traité très vite. Je calcule qu’entre le moment où j’ai découvert le durcissement et l’échographie il se sera passé un mois, et une semaine de plus si je dois attendre le retour mon médecin pour savoir quoi faire. Régulièrement je vais sur le net pour tenter d’en apprendre plus. J’ai même déposé un message sur un forum pour obtenir des avis sur mes résultats et les deux semaines de battements dues aux vacances, qui me semblent critiques. Les quelques réponses ont été « rassurantes », en quelque sorte, dans le sens où ces deux semaines ne changeraient pas grand chose, dans un sens comme dans l’autre.

J’ai pensé à ma mort, à ma vie, j’ai envisagé le meilleur comme le pire. Avec le recul je réalise que mes recherches m’ont systématiquement conforté dans mon optimisme ou mon pessimisme. Dans les moments où je relativisais j’ai effectivement trouvé de quoi me consoler, avec d’excellentes statistiques de mon côté, et quand ça n’allait pas j’ai toujours réussi à dénicher des témoignages dramatiques pour apporter de l’eau trouble à mon triste moulin. Tout et son contraire. J’ai beaucoup appris sur les cancers des testicules en général, mais rien sur ma situation. Si quelqu’un atterrit sur ce billet alors qu’il est en quête de réponses, dans l’attente de résultats d’examens, je ne peux m’empêcher de lui conseiller de déconnecter en attendant les réponses de vrais professionnels. Sur Internet il trouvera des avis, des témoignages, des retours d’expériences, mais il est évident qu’aucun diagnostic fiable ne sera à attendre. Chaque cas est particulier, surtout avec cette maladie. Je suis mal placé pour donner ce conseil, qui ne sera sans doute pas suivi et j’aurais été incapable de le suivre moi-même, mais c’est un point essentiel de mon propre retour d’expérience. Je ne peux ni ne veux faire la leçon, et je sais qu’il semble réconfortant de chercher à se rassurer. Le souci est que si l’on peut effectivement trouver des réponses qui vont dans notre sens, la somme d’informations en ligne peut également nous noyer et faire un peu trop travailler notre imagination. D’autres ont sans doute fait les mêmes recherches que moi sur le net et ont dû finir par s’auto-diagnostiquer un cancer alors qu’ils n’avaient en réalité rien du tout.

Pendant ces deux semaines de vacances des bosses sont apparues à la surface de mon testicule gauche. Là, par contre, je ne trouvais plus rien pour me rassurer.

Lundi 22 août 2016, je passe enfin mon échographie. Je fais un bref résumé de la situation au type chargé de m’appliquer du gel sur les testicules, puis il pose sa douchette à la surface du suspect. Il ne met pas beaucoup de temps à confirmer mes doutes. Je pensais m’y être préparé, mais dans un coin de ma tête j’espérais évidemment m’être trompé, et ensuite ressortir de là en me frappant le front de ma paume, m’en voulant d’avoir été un si piètre oncologue. J’explique au radiologue que mon médecin ne revient que lundi prochain, mais il me répond que de toute façon une semaine ne changerait rien. Le cancer est là, à se développer silencieusement, depuis plusieurs mois. Il cherche des ganglions suspects dans la zone alentour, en vain. Nous terminons l’entretien sur ce point positif.

C’est très paradoxal, et peut-être que je ne réalise pas vraiment ce qui est en train de m’arriver, mais j’éprouve un certain soulagement à avoir enfin cette réponse. Ne rien savoir, supposer, c’est l’horreur. D’autres questions se posent, mais c’est un peu moins flou. Reste par exemple à déterminer quel type de cancer s’est agrippé à moi et à quel stade il se trouve actuellement. Il n’y a pas trop de doute en ce qui concerne le devenir de mon testicule malade. Appelée « orchidectomie », l’opération s’effectue en ambulatoire ou avec un court séjour d’une nuit.

En attendant, que faire ? Vivre et profiter, sans doute. Ainsi, si par malchance je dois faire partie de la très petite minorité à succomber à ce cancer alors j’aurais vécu au mieux avant de partir, et si je m’en sors alors je n’aurais pas perdu du temps à me prendre la tête inutilement. C’est un peu mon pari de Pascal.

Je m’accroche aux statistiques, objectives, qui donnent donc une guérison à plus de 95% de ce petit souci testiculaire, faisant de lui le moins mortel (comme l’explique par exemple cet article) des cancers. Bien sûr je ne m’attends pas non plus à une partie de plaisir. Le chemin peut être long, mais pourquoi se priver d’optimisme dans ces conditions ?

Je commence ce blog sans vraiment savoir jusqu’où il ira, mais j’essayerai d’y consigner au mieux les étapes de cette aventure, quelle qu’en soit l’issue. Peut-être servira-t-il à d’autres, qui comme moi se sont défoulé sur les moteurs de recherche pour trouver des informations, de l’aide ou du réconfort.

Prochaine étape le lundi 29, au retour de mon médecin.

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